• Encontro Internacional de Antropofagia ! Thème traité, extrait 7

    ... III  Seule l'anthropophagie nous unit !

    Le corps social est déchiré, mais ce ne sont pas les banlieues qui se trouvent dans une crise identitaire. Les jeunes révoltés sont très clairs ; ils veulent être considérés comme n'importe quel citoyen, qu'ils sont formellement, et donc pouvoir reconnaître dans la France leur pays. Mais ce ne peut pas être le pays qui dénie leur humanité en les réduisant à des « indigènes » ou descendants d'indigènes à intégrer.
     La crise n'est pas « la crise des banlieues », c'est la crise de l'identité française et républicaine classique, héritée de la mentalité du capitalisme colonial.
     Intégrés ils le sont et le prouvent, en répétant : mais nous sommes Français ! Le problème n'est pas l'intégration des « jeunes-issus-de-l'immigration ». Le problème c'est la désintégration de cette identité française coloniale aujourd'hui morte. Comme les anthropophages, il faut dévorer rituellement le corps de l'ennemi moribond dans le banquet commun,  pour en digérer et rejeter comme engrais la chair putrescible, et que les vertus qu'il recèle (car il y en a, bien sûr !) puissent se libérer dans le métabolisme collectif d'une nouvelle communauté sociale à naître.   
    Et si on écoute un peu, que crient les enfants des banlieues ?
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>« A TABLE !!! A TAAAABLE ! »
    <o:p> </o:p>Et ils sont parfaitement disposés à manger la République, mais c'est la République qui ne veut pas venir à table !
    Tout juste si elle accepte des amuse-gueule : Chirac admettant les excès de la répression de 1947 à Madagascar (110 000 morts), ou l'ambassadeur de France reconnaissant les crimes de Sétif en 1945 (45 000 morts)...
    Mais ce n'est plus de cela qu'il s'agit. Il s'agit de manger toute entière cette république pour inventer les valeurs communes d'une France qui n'est plus ce peuple imaginaire qui se regarde dans le miroir du passé colonial, blanc, et civilisateur des autres... Et c'est cette France qui résiste et ne veut pas se laisser manger.
    <o:p> </o:p>Des observateurs « bien-intentionnés » n'ont pas manqué de pointer l'irrationalité apparente des incendies, le vandalisme... et surtout le langage incompréhensible de ces jeunes « qui ne connaissent que la violence »... oubliant que si leur langue parait incompréhensible, c'est pourtant celle qu'ils ont appris de cette république, dans ses écoles... mais qui ne correspond plus à aucune réalité de leur vie. Ce n'est pas leur langue qui est incompréhensible, c'est leur école qui l'est devenue, et la vie qu'elle leur prépare. Ce n'est pas pour autre chose que parfois, au passage, ils incendièrent quelques écoles.
    <o:p> </o:p>Manger cette vieille France, bien sûr, c'est avec les mots. L'anthropophagie culturelle, tout comme l'anthropophagie rituelle que nous décrivent les anthropologues, ce n'est pas le cannibalisme utilitaire. Le cannibalisme c'est  justement ce que l'Europe coloniale a si souvent et si longtemps pratiqué... et qui se poursuit avec l'idée de « l'intégration ». Intégration au marché, à l'ordre, à la morale, à la fonction, à l'exploitation.
    Les « Noirs » des banlieues des cauchemars d'Alain Finkielkraut ne vont pas faire griller des escalopes de Français sur les brasiers des voitures incendiées ! Cela, c'est dans l'imagination délirante de Finkielkraut et de ses amis...  Parce que eux, justement, ne connaissent que le cannibalisme utilitaire, et les élites culturelles qui confortent la domination ! Je ne te mange que pour m'alimenter.
    <o:p> </o:p>Ce que nous avons vu, c'est à peine la fête qui précède le festin anthropophage. Les paroles n'étaient pas encore arrivées. Il n'y avait que les premiers balbutiements. C'est normal. La révolution est une enfant a-nal-pha-bête. Mais on apprend à parler avec elle.
    Pourtant, cette révolte a ouvert une crise politique, culturelle, institutionnelle, identitaire profonde, qui était latente, et que toutes les paroles compassées des doctes observateurs n'avaient jamais réussi à révéler. Cela vaut déjà plus que beaucoup de discours. Les enfants des banlieues, à leur façon à eux, sont entrés dans cette crise et l'ont mise en lumière. Ils sont entrés en politique.
    Ne vous impatientez pas, les paroles vont venir et elles arrivent déjà. Abondantes. Deux semaines à peine après les incendies, il suffit de regarder sur l'internet (4). Les sites prolifèrent d'une banlieue à l'autre, les textes, et la volonté de conquérir dès lors la parole.
    « Maintenant, les enterrés, à travers l'analyse, reviennent à la lumière, et à travers l'action parviennent aux barricades. Ce sont ceux qui ont eu le courage incendiaire de détruire leur propre âme égarée dans les cieux souterrains où ils s'étaient réfugiés. Soit les catacombes lyriques se tarissent, soit elles débouchent dans les catacombes politiques. (...) » (Oswald de Andrade. Préface à « La Morte »)
    <o:p> </o:p>Et pour ne pas prolonger ce discours plus longtemps, je vous invite à lire la simple lettre à Jacques Chirac des élèves d'un collège professionnel d'une des banlieues où démarrèrent les incendies, écrite en plein cœur des évènements, pour vous convaincre que la vrai crise d'identité n'est pas du côté qu'on croit. Chirac n'a jamais répondu.
    <o:p> </o:p>

       EIA ! Tupi !


     Sao Paulo, le 17 décembre 2005
      Mail : staal@gilles-de-staal.com                                                Gilles de Staal

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