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L évidence zapatiste
L'évidence, c'est comme le silence, un battement intérieur, comme un changement inespéré de lumière, le déplacement infime d'un détail qui, soudain, révèle ce qui était déjà bien là, sous les yeux, mais que pourtant on ne voyait pas. Et alors, tout s'éclaire. L'évidence, c'est le sens tout simplement, des choses, celui qui fait que « le Roi est tout nu », par exemple.
L'évidence heurte, et c'est pour cela que, malgré toute évidence, elle ne se voit que si une main qui a la résolution de l'innocence ou de la pureté vient la dévoiler, en soulevant l'écran de l'apparence. Elle heurte parce qu'elle ne donne pas prise à l'interprétation ; elle est sens et image à la fois, elle ferme l'issue aux faux fuyants. L'évidence est toujours directe et son langage est celui de l'intelligibilité extrême, il est cru. L'évidence est comme l'obscène, elle provoque l'horreur, le silence du souffle coupé, la souveraineté du rire.
Zapata, c'est l'évidence. Im ne décrit pas la chose ni encore moins le concept de <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" /><st1:PersonName ProductID="la chose. Zapata" w:st="on">la chose. Zapata</st1:PersonName> ruine les doctes conversations de sorties de vernissage, où se décortique l'essence des messages invisibles. Il montre, il dévoile tout simplement ce qu'il y a entre les choses, entre les objets, entre les êtres, qui les relie entre eux et qui fait, par exemple, d'un préservatif la preuve par neuf de la civilisation, ou de la syphilisation.
La force des tableaux de Zapata est d'atteindre <st1:PersonName ProductID="la v←rit←. L" w:st="on">la vérité. L</st1:PersonName>'Europe d'aujourd'hui n'aime guère la vérité, elle lui préfère les certitudes et <st1:PersonName ProductID="la t←l←vision.. Elle" w:st="on">la télévision.. Elle</st1:PersonName> croit à la nature bienfaisante et nécessaire des lois de l'économie et pense que, si le monde va si mal c'est qu'il a mal étudié <st1:PersonName ProductID="la leon. L" w:st="on">la leçon. L</st1:PersonName>'Europe est en guerre, en Yougoslavie, sur le Dniepr, au Caucase, dans le Kurdistan turc et, à sa porte, dans l'Algérie voisine. L'Europe est en guerre mais elle ne le sait pas vraiment. A vrai dire elle n'y est pour rien et elle n'y comprend rien. Et comment l'Europe pourrait elle être violente puisqu'elle est tellement raisonnable ? Aussi un artiste comme Zapata ne peut-il être que latino-américain pour arriver à voir des choses comme celles qu'il montre...
Zapata est un grand marcheur. Un grand marcheur de <st1:PersonName ProductID="la ville. Il" w:st="on">la ville. Il</st1:PersonName> marche parce que c'est ainsi qu'il voit, pas avec ses pieds bien sûr, mais en se déplaçant, en faisant le tour de la place, en s'asseyant dans un coin du bistrot, en regardant tout ce qui tourne autour de ce qui se passe. Déplacez le siège de l'observateur, disait Galilée, et vous verrez des choses que vous n'auriez pu imaginer avant. Regardez les tableaux de Zapata, et vous verrez l'Europe dans l'évidence qui lui crève les yeux.
<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><st1:PersonName ProductID="Gilles de Staal" w:st="on">G.S.</st1:PersonName>
(juin 1995)
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