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Par staal le 20 Octobre 2006 à 11:27... III Seule l'anthropophagie nous unit !
Le corps social est déchiré, mais ce ne sont pas les banlieues qui se trouvent dans une crise identitaire. Les jeunes révoltés sont très clairs ; ils veulent être considérés comme n'importe quel citoyen, qu'ils sont formellement, et donc pouvoir reconnaître dans la France leur pays. Mais ce ne peut pas être le pays qui dénie leur humanité en les réduisant à des « indigènes » ou descendants d'indigènes à intégrer.
La crise n'est pas « la crise des banlieues », c'est la crise de l'identité française et républicaine classique, héritée de la mentalité du capitalisme colonial.
Intégrés ils le sont et le prouvent, en répétant : mais nous sommes Français ! Le problème n'est pas l'intégration des « jeunes-issus-de-l'immigration ». Le problème c'est la désintégration de cette identité française coloniale aujourd'hui morte. Comme les anthropophages, il faut dévorer rituellement le corps de l'ennemi moribond dans le banquet commun, pour en digérer et rejeter comme engrais la chair putrescible, et que les vertus qu'il recèle (car il y en a, bien sûr !) puissent se libérer dans le métabolisme collectif d'une nouvelle communauté sociale à naître.
Et si on écoute un peu, que crient les enfants des banlieues ?
<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>« A TABLE !!! A TAAAABLE ! »
<o:p> </o:p>Et ils sont parfaitement disposés à manger la République, mais c'est la République qui ne veut pas venir à table !
Tout juste si elle accepte des amuse-gueule : Chirac admettant les excès de la répression de 1947 à Madagascar (110 000 morts), ou l'ambassadeur de France reconnaissant les crimes de Sétif en 1945 (45 000 morts)...
Mais ce n'est plus de cela qu'il s'agit. Il s'agit de manger toute entière cette république pour inventer les valeurs communes d'une France qui n'est plus ce peuple imaginaire qui se regarde dans le miroir du passé colonial, blanc, et civilisateur des autres... Et c'est cette France qui résiste et ne veut pas se laisser manger.
<o:p> </o:p>Des observateurs « bien-intentionnés » n'ont pas manqué de pointer l'irrationalité apparente des incendies, le vandalisme... et surtout le langage incompréhensible de ces jeunes « qui ne connaissent que la violence »... oubliant que si leur langue parait incompréhensible, c'est pourtant celle qu'ils ont appris de cette république, dans ses écoles... mais qui ne correspond plus à aucune réalité de leur vie. Ce n'est pas leur langue qui est incompréhensible, c'est leur école qui l'est devenue, et la vie qu'elle leur prépare. Ce n'est pas pour autre chose que parfois, au passage, ils incendièrent quelques écoles.
<o:p> </o:p>Manger cette vieille France, bien sûr, c'est avec les mots. L'anthropophagie culturelle, tout comme l'anthropophagie rituelle que nous décrivent les anthropologues, ce n'est pas le cannibalisme utilitaire. Le cannibalisme c'est justement ce que l'Europe coloniale a si souvent et si longtemps pratiqué... et qui se poursuit avec l'idée de « l'intégration ». Intégration au marché, à l'ordre, à la morale, à la fonction, à l'exploitation.
Les « Noirs » des banlieues des cauchemars d'Alain Finkielkraut ne vont pas faire griller des escalopes de Français sur les brasiers des voitures incendiées ! Cela, c'est dans l'imagination délirante de Finkielkraut et de ses amis... Parce que eux, justement, ne connaissent que le cannibalisme utilitaire, et les élites culturelles qui confortent la domination ! Je ne te mange que pour m'alimenter.
<o:p> </o:p>Ce que nous avons vu, c'est à peine la fête qui précède le festin anthropophage. Les paroles n'étaient pas encore arrivées. Il n'y avait que les premiers balbutiements. C'est normal. La révolution est une enfant a-nal-pha-bête. Mais on apprend à parler avec elle.
Pourtant, cette révolte a ouvert une crise politique, culturelle, institutionnelle, identitaire profonde, qui était latente, et que toutes les paroles compassées des doctes observateurs n'avaient jamais réussi à révéler. Cela vaut déjà plus que beaucoup de discours. Les enfants des banlieues, à leur façon à eux, sont entrés dans cette crise et l'ont mise en lumière. Ils sont entrés en politique.
Ne vous impatientez pas, les paroles vont venir et elles arrivent déjà. Abondantes. Deux semaines à peine après les incendies, il suffit de regarder sur l'internet (4). Les sites prolifèrent d'une banlieue à l'autre, les textes, et la volonté de conquérir dès lors la parole.
« Maintenant, les enterrés, à travers l'analyse, reviennent à la lumière, et à travers l'action parviennent aux barricades. Ce sont ceux qui ont eu le courage incendiaire de détruire leur propre âme égarée dans les cieux souterrains où ils s'étaient réfugiés. Soit les catacombes lyriques se tarissent, soit elles débouchent dans les catacombes politiques. (...) » (Oswald de Andrade. Préface à « La Morte »)
<o:p> </o:p>Et pour ne pas prolonger ce discours plus longtemps, je vous invite à lire la simple lettre à Jacques Chirac des élèves d'un collège professionnel d'une des banlieues où démarrèrent les incendies, écrite en plein cœur des évènements, pour vous convaincre que la vrai crise d'identité n'est pas du côté qu'on croit. Chirac n'a jamais répondu.
<o:p> </o:p>EIA ! Tupi !
Sao Paulo, le 17 décembre 2005
Mail : staal@gilles-de-staal.com Gilles de Staal
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Par staal le 14 Octobre 2006 à 11:00
3) L'homme : immigration ?
Quand on parle de « banlieue », généralement très vite viennent des considérations sur « l'immigration »... Sauf que, malgré ce qui se dit et se pense, la proportion de travailleurs immigrés dans la population française est la même, avec des variables peu relevantes, depuis... les années vingt, et à vrai dire exactement depuis 1912 ! Dans les années trente, ils se répartissaient entre, d'un côté des travailleurs italiens, espagnols, polonais et juifs d'Europe centrale, ceux là fuyant les régimes fascistes et la crise agraire de leurs pays, et de l'autre des ouvriers venus des colonies françaises d'Afrique du nord, ceux-ci soumis à un régime juridique, administratif et social ségrégatif appelé «indigénat » sous le nom de « Main d'œuvre indigène » (MOI), sans droits familiaux ni d'accès à la citoyenneté, et à une carte de travail spéciale. Après la guerre, avec la reconstruction européenne, le flux européen diminua, remplacé par l'immigration nord-africaine, celle-ci systématiquement encadrée par l'administration coloniale afin de satisfaire aux besoins de main d'œuvre de la reconstruction et de la croissance industrielle.
Sur une telle durée et au fil des décennies, une grande partie de ces ouvriers s'enracinèrent en France, faisant que la sonorité des noms français, surtout dans les classes populaires, devint peu à peu autant slave, ibérique, italienne ou arabe que française, et bien souvent un mélange de tout cela. C'est du reste mon cas, et il suffit de jeter un regard sur l'annuaire téléphonique de n'importe quelle ville industrielle française pour le constater. Dans les années soixante-dix, la classe ouvrière pouvait être évaluée à environs 10 millions de salariés, dont trois millions d'immigrés soit près du tiers, sans prendre en compte bien sûr les anciens immigrés déjà naturalisés.
De ces trois millions, il y en avait près de deux originaires des anciennes colonies françaises d'Afrique, la plus grande partie d'Algérie, beaucoup d'entre eux installés depuis les années cinquante et même bien avant. Mais pour ceux-là, même si formellement le statut de « l'indigénat » était aboli avec les colonies, l'administration coloniale de leur vie en France continuait la même : habitations spéciales séparées des Français avec interdiction de contacts (les « foyers »), concentrés dans des banlieues, police administrative spéciale (le SAT Service d'Assistance Technique) héritée de « l'indigénat » et formée d'anciens fonctionnaires coloniaux, prestations sociales séparées et calculées sur une autre base, interdiction familiale, droit à la naturalisation quasi impossible si ce n'est par mariage... etc. Et surtout, discrimination, racisme, enfer administratif, le tout aggravé par le confinement. Le souvenir que l'immigration nord-africaine avait participé activement, avec un courage exemplaire et massif, à la lutte d'indépendance algérienne renforçait le préjugé raciste et la suspicion de l'administration, des médias et d'une part notable de l'opinion des classes moyennes. Malgré le fait que cette part de la population connaissait les plus faibles indices de délinquance et d'incivilité, elle fut toujours traitée comme une « classe dangereuse ».
Ce racisme et cette ségrégation servirent aussi, bien sûr, à tenter de diviser les grandes luttes ouvrières post 1968, auxquelles les travailleurs immigrés d'origine coloniale participèrent activement pour y conquérir l'égalité des droits. Les réflexes et clichés racistes de la vieille extrême droite française et de la nostalgie colonialiste furent systématiquement mobilisés en ce sens... créant dans l'opinion publique un supposé « problème de l'immigration ». Mais quel « problème de l'immigration » ?!.. En vérité, c'est le problème de soixante ans d'administration coloniale d'un quart ou un tiers du monde ouvrier.
Enfin en 1978, la loi du « regroupement familial » reconnut le droit des immigrés installés en France à y élever une famille... De fait, de nombreux chefs de famille, qui étaient là depuis des décennies, avaient déjà parfois réussi à obtenir la nationalité, souvent en se mariant avec une Française... Les enfants qui naissaient, évidemment naissaient français de plein droit, puisqu'il n'existe du reste aucune autre définition juridique ou politique d'un Français que le fait d'être né ou d'avoir grandi depuis la tendre enfance dans ce pays. Comme par exemple le propre ministre français de l'Intérieur et pré candidat à la présidence de la république, Nicolas Sarkosy, de père et mère hongrois.
Mais si cela mit fin à une discrimination juridiquement insoutenable, raciste et coloniale, il n'y eut aucune autre mesure politique, familiale, culturelle complémentaire pour que cela aille au delà d'une concession de pure forme. Et même diverses exceptions de droit civil maintinrent des aspects de l'indigénat dans le droit familial concédé, notamment quant au statut de la femme. Quant à la presse, elle présenta généralement cette égalité juridique élémentaire comme un « cadeau bien généreux » aux anciens colonisés, qui de plus risquait d'altérer « l'identité » française (personne ne se demanda combien la colonisation avait altéré les identités africaines !).
Et tout cela fut jeté dans les banlieues et abandonné au sauve-qui-peut, dans la crise sociale et économique des années quatre-vingt, le chômage de masse, le confinement et la stigmatisation des « quartiers dangereux ». Mais cela fait donc en tous cas près de trente ans que ce n'est plus d'une question d'immigration étrangère qu'il s'agit.
4) L'homme : jeune, rebeu ou renoi... céfran
Aujourd'hui, il est clair que les Français réels sont assez différents des Français fantasmés du cinéma de René Clair ou de Renoir. Ils n'ont pas la tête de Jean Gabin ou de Raimu. Ils reflètent le visage de l'histoire réelle et difficile par laquelle la société est passée au fil du siècle achevé... Mais la société officielle continue comme si rien de cette histoire n'avait eu lieu, se regardant dans le miroir des vieux films, du temps de « l'Empire colonial », des « revues nègres » de music-halls ou des expositions universelles des années trente où l'on emmenait les collégiens voir des « zoos humains » de sauvages indigènes des colonies...
Difficile pour un jeune Français, dont le père originaire d'Algérie est arrivé en 1950 comme « main d'œuvre indigène », d'accepter ce miroir pour le pays où il est né et où il vit et qui est pourtant bien le sien !
Et de l'autre côté... dans le bla-bla des parents qui bien souvent, démoralisés, tentent de sauver le rêve d'un « autre » pays, Algérie, Maroc, Sénégal... ce n'est pas tellement mieux. La réalité, souvent, est échec, misère, guerre civile, oppression familiale. « Inter urinas et faeces... »
Déjà l'époque n'est plus à l'héroïsme romantique et mortifère de Khaled Kelkal. Parfois le refuge dans l'observance religieuse te donne un cadre, un sentiment d'amour-propre, de dignité, mais ni plus ni moins. Déjà c'est une nouvelle génération, la deuxième née ici. Déjà une culture de vie sociale a commencé à naître : rap, tags, clips.... Une façon de parler propre aux « banlieues », un « verlan » où tout ce dit à l'envers : « céfran » pour français, « rebeu » pour arabe, « renoi » pour noir, « meuf » pour femme, « ouf » pour fou ! Il n'y a pas d'issue dans un « ailleurs ». Alors c'est ici que les céfran vont devoir s'entendre avec les rebeus et les renois pour que tout le monde ne devienne pas ouf !
5) La banlieue : l'incendie
Ce fut tout cela qui explosa et qui devait exploser. Les rapports policiers sont clairs : le seul motif d'étonnement est que ça n'ait pas explosé bien avant. L'ennui et la rage rampaient depuis quinze ans dans toutes les banlieues. Selon le même rapport, cela fait dix ans que se brûle en France une moyenne de cent voitures par jour dans ces quartiers, à cause d'incidents épars et chroniques... ce qui fait 35 000 par an. En trois semaine, il s'en est brûlé un peu plus qu'en un an, 40 000. Pour cela, nul besoin d'une organisation, d'une planification, d'aucune conspiration. Suffisait le sentiment d'appartenir à la même réalité, du nord au sud du pays, et celui de devoir être entendu. Et suffisait un souffle sur la braise : les discours racistes et provocateurs des medias, les mesures discriminatoires de la représentation politique, du gouvernement, un souffle un peu plus fort que d'habitude dans un climat de crise politique et de tentations démagogiques.
Les faits sont d'une simplicité ... : un résumé concentré de la vie. C'était le soir de rupture du Ramadan, la fête traditionnelle, le nouvel an musulman. Fête collective, familiale, de voisinage, où les amis « renoi », « rebeu » ou « céfran » sont invités. Il y a une heure précise pour la rupture du jeûne, après le coucher du soleil. Cinq amis entre 14 et 18 ans attendaient l'heure pour rentrer à la maison, à l'heure pile, et la trouille des gronderies en cas de retard. Ils sont allés faire un petit foot pour tuer l'heure. Après, il restait encore une demi heure. Là, au pied de l'immeuble. La patrouille est passée. Tous sont français, mais avec des « têtes de banlieue » : certains avaient laissé les papiers à la maison. Peur des embrouilles, qui peuvent durer, conduire au commissariat, avec ensuite l'engueulade des parents... Ils ont filé, en courant, la police aux trousses. Deux parvinrent à échapper. Les trois plus jeunes, acculés, sautèrent la grille du transformateur électrique de la région. L'autre patrouille arrivait, par l'autre côté. Pas d'issue. Ils ont ouvert la porte de la cabine et s'y sont blottis, dans l'obscurité, en attendant que passe la vague. Une demi heure. La police avait déjà laissé tomber. Un des mioches, dans le noir, a bougé. Il a touché quelque chose. Le court circuit a déchargé 20 000 volts en un éclair. Deux moururent carbonisés d'un coup. La coupure de courant a éteint le quartier entier, jusqu'à l'ordinateur de la police. Le troisième gamin, brûlé à 80% a repris connaissance, est sorti du piège en se traînant, a appelé par le portable, puis s'est évanoui... les familles accoururent, désespérées. Et la police quadrillant toute la région. La presse à sa suite. Le ministre de l'intérieur qui à cette heure faisait bla-bla électoral sur l'insécurité, préparant sa candidature pour 2007, déclara que c'étaient des bandits, trafiquants, délinquants, criminels. Emphatique : « Je vais vous débarrasser de cette racaille ». En rajoutant : « Je ne vais pas pleurer la mort de deux criminels »... de 15 ans ! Peu avant, il avait déjà lancé : « Je vais nettoyer les banlieues au Kärcher.» « Racaille », le mot a sonné lourdement, alors que le gosse survivant, dans le coma, n'était pas même encore arrivé à l'hôpital.
Alors, l'incendie a commencé, là, dans cette cité de Clichy sous Bois. Dans la nuit, il s'emparait déjà du département entier, la Seine St Denis, qui n'est pas Paris, qui est la banlieue, mais c'est quand même là qu'a eu lieu le Mondial de Football de Paris. Ministre entêté, « racaille » devient la formule d'élection des médias enchantés. Il mobilise la réserve de la gendarmerie. Sentiment de solidarité, d'indignation, d'identification. En trois nuits, toutes les banlieues de Paris s'allumèrent. Le gouvernement mobilise 40 000 hommes de police de choc, ordonne d'arrêter, déférer aux tribunaux qui commencent à siéger en horaires extra. Les medias dénonçant en vrac : les bandes islamiques, les trafiquants, le nihilisme, la barbarie. Le reste, le monde entier l'a vu. Pendant trois semaines, la révolte s'est répandue dans toutes les banlieues de toutes les villes, grandes ou modestes, du pays entier...
Il n'y a pas eu de morts, il n'y a pas eu de combats, il n'y a pas eu de fusillades. Des voitures brûlées et des gamins qui cavalent, en jouant plus qu'en combattant contre la police.
A une manifestation d'indignation purement spontanée, le gouvernement a répondu par des mesures de guerre civile. Etat d'urgence, en ressortant une loi qui jusqu'alors n'avait été appliquée que durant la guerre d'Algérie, la loi de mars 1955, confirmant ainsi cette vieille mentalité de traiter les banlieues d'un point de vue colonial :
- Couvre feu ;
- Perquisitions sans mandat judiciaire de jour et de nuit ;
- Loi des suspects ;
- Menace de censure sur la presse et la correspondance ;
- Mobilisation des tribunaux pénaux, pour condamner en cadences fordistes ;
- Rétablissement du travail infantile (même de nuit) à partir de 14 ans pour les enfants récalcitrants.
Une répression qui n'avait jamais connu une telle rigueur, ni en 1968, ni contre les grandes grèves d'allure insurrectionnelle de 1978-79, et moins encore quand les commerçants manipulés par l'extrême droite en 1997, brûlaient les recettes publiques et envahissaient les ministères.
Aujourd'hui, à la mi-décembre, plus de 700 condamnations à prison ferme, de quatre mois à deux ans et demi, ont déjà été prononcées. Et maintenant, on peut donc savoir qui sont ces redoutables insurgés, barbares, bandits, musulmans, clandestins... Dans 85% des cas, les condamnés sont des enfants de 14 à 18 ans, français, d'origines populaires diverses, sans le moindre antécédent judiciaire ni même d'une main-courante. Dans l'enthousiasme guerrier, le gouvernement annonça l'expulsion immédiate et sans appel de tous les étrangers pris, qu'ils soient clandestins ou en situation régulière : sur les 1800 gamins arrêtés par la police, on n'a pas pu trouver plus de sept malheureux à expulser ainsi, parce que pour une bourde administrative ils n'étaient pas encore totalement et définitivement devenus français. Il n'y a donc aucun problème d'immigration étrangère dans cette crise.
Si ce n'est un problème racial ou d'immigration, serait-ce alors simplement un problème de pauvres contre riches, une crise sociale ?
Si ce n'était que ça, une explosion sociale passagère et réprimée, comment expliquer que ce gouvernement, qui est le plus illégitime que nous ayons connu depuis la guerre, justement à cause de sa politique sociale, un gouvernement qui a été honteusement défait dans trois scrutins nationaux successifs en trois ans, qui ne se maintient que grâce à une majorité parlementaire douteusement obtenue en 2002 et démentie par les électeurs dès l'année suivante, un gouvernement qui encore en octobre devait endurer les manifestations de protestation nationale d'un million et demi de salariés, comment expliquer que ce coup ci, ce gouvernement à soudain rencontré l'appui généralisé de l'opinion à 70% !?
Comment expliquer qu'il ait pu dans cette crise sortir ainsi la droite de son isolement, et trouver l'appui de l'opinion dans une espèce de coup d'Etat feutré préparant des séries de mesures réactionnaires qu'il n'aurait jamais pu même évoquer deux mois auparavant ?
Comment expliquer ce climat d'excitation désinhibé et d'applaudissements enthousiastes aux déclarations les plus racistes des personnages les plus autorisés de la politique, des médias, de l'intelligentsia : « La France on l'aime ou on la quitte !(2)» ; « Il faut établir un contrôle des mosquées ! » ; « Instaurer la censure sur les paroles des musiques ! » ; « Exiger des jeunes français enfants d'immigrés un serment de fidélité à la nation ! » ; « Retirer la nationalité aux enfants délinquants de naturalisés ! » ? Comment expliquer les déclarations délirantes d'intellectuels en vue, comme Alain Finkielkraut, désignant « les Noirs » comme responsables du désordre, ou Hélène Carrère d'Encausse dénonçant « la polygamie de ces gens qui prolifèrent de façon incontrôlée »... ?
Comment expliquer que du jour au lendemain, la gauche qui se préparait tranquillement à sa future victoire électorale pour 2007, s'est retrouvée coite, sourde et muette devant les évènements, se contentant de réclamer du manque de crédits sociaux, pour finir politiquement isolée au sortir de la crise ?
L'explosion a révélé une crise bien plus profonde de la société française, une crise qui touche aux certitudes culturelles, morales, politiques, institutionnelles, identitaires de la nation. Elle a été aussi puissante parce qu'elle a éclaté au moment politique, historique et culturel où tous ses ingrédients étaient arrivés à maturité. Ce qui remonte est un plat qui n'a jamais été digéré, qui pesait depuis des lustres sur l'estomac, et qui se trouve dégurgité brutalement. Cela s'appelle l'indigestion coloniale. Ce plat, il va falloir le nettoyer, le préparer dans les règles de l'art, afin de le digérer cette fois pour de bon.
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Par staal le 7 Octobre 2006 à 20:06
Lectures de théâtre :
« Le Procès en révision de Jésus Christ » (huitième tableau de « L'Homme et le Cheval » de Oswald de Andrade) avec douze personnages, organisée par le metteur en scène Pierre Etienne Heymann, qui a notamment, avec Pablo Cueco, fait le Gargantua de Rabelais.
Le Décameron des Femmes de Ioulia Vosnissientskaia (une dizaine d'histoires russes de femmes, magnifique), par La Liseuse, groupe de six comédiennes.
« Ajax » de Yanis Ritsos, par Luc Martin Meyer qui l'a monté cela l'an dernier au Théâtre de l'Opprimé (deux comédiens et trois musiciens).
Le Manifeste Anthropophage sera affiché en grand, et lu solennellement au démarrage de chaque soirée.
Musique :Les deux auteurs-compositeurs-interprètes Tante Hortense et Flop, qui ont sorti divers CD des « Disques bien » ont l'intention de mettre en musique les textes anthropophages de Oswald.
Le groupe de rap La K-bine skalpel, aux textes inspirés des mouvements de critique sociale et politique viendra chanter à capella.
Non encore confirmé : le musicologue et compositeur équatorien Chopin (eh oui!) pourrait participer une soirée. Son travail est la confrontation des cultures musicales « globales ».
Poésie :Roberto San Geroteo dira des poèmes de Vallejo et j'espère de lui-même aussi. Ramiro Oviedo, poète équatorien vivant en France déclamera ses poèmes. Enfin Théophile de Giraud lira des extraits de son « Manifeste antinataliste » (éditions Le Mort qui Trompe).
Conférences-discussions :Nous voulons les organiser avec et autour de ceux (mouvements, collectifs, où personnes) qui en portent les thèmes dans le mouvement social, en les invitant. Le but n'est pas de faire de savantes conférences suivies d'un « débat » réduit au jeu des questions posées à la « personnalité » invitée, mais au contraire d'initier de véritables éléments de discussions sur les thématiques abordées. Il n'y aura donc qu'un seul exposé d'introduction à chaque fois, mais nous voulons qu'à chaque fois aussi il y ait dans le public suffisamment de gens impliqués sur les thèmes abordés par l'exposant, afin qu'une discussion réelle puisse s'engager. Cela suppose aussi que l'exposé ne dépasse pas certaines limites de temps (30 mn) afin que la discussion puisse librement courir.
Les thèmes déjà retenus sont :
<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p> - « Art vivant contre Art contemplerien » : avec Michel Lequenne. La conférence sur ce thème qu'il devait donner le 26 septembre à La Passerelle des cultures de Nogent/Marne, vient d'être interdite par la mairie ( !), sous le prétexte qu'il a écrit sur son site : « Vive le Hezbollah ». Il a donc accepté avec enthousiasme de la tenir avec nous. Nous invitons artistes, critiques, et revues à participer activement au débat.
- « La guerre et les médias/ médias en guerre » : Henri Maler de l'ACRIMED (action critique des médias) a accepté notre invitation, à l'occasion de la sortie de la 5ème édition de leur livre «L'opinion, ça se travaille ! », pour introduire le débat.
« Nouveaux cours en Amérique du Sud : en quoi ça nous concerne ? » (Brésil, Venezuela, Bolivie, Cuba...) : Autres Brésils, qui a organisé les deux festivals de documentaires politiques et sociaux « Brésil en mouvement » (1750 participants lors du dernier en juin 2005), et prépare « Social en mouvement » à Rio en novembre (sur les mouvements sociaux en France) lancera le débat sur la base du bilan de leur travail .
- « Identité, nationalité, citoyenneté : bons et mauvais Français ? » Mehdi Belhajkacem (« Une psychose française » -Gallimard 2006) introduira la discussion. Les divers mouvements engagés sur ces terrains (indigènes, Mib, Mouvement pour l'Egalité etc...), sont évidemment invités, Bernard Dréano qui préside la maison de la rue Voltaire s'est engagé à assurer la soirée de ce point de vue..! de même que les amis de la librairie La Réserve de Mantes la Jolie, du Collectif 12, très actifs sur la région Flins autour de ces questions...
- « Guerre au « terrorisme » : état d'exception permanent. » Le débat sera introduit par le collectif NLPF pour la libération des prisonniers politiques en France (Prisonniers d'Action Directe et Georges Abdallah). Nous comptons que divers amis et personnalités engagés sur les questions des législations et politiques d'exception « anti-terroristes » mises en œuvre depuis notamment le 11 septembre seront également présents dans le débat.
- « Les revues en question » : Autour de Drôle d'époque, et de Lignes (actuellement menacé dans son existence) qui ont accepté d'en prendre la charge, débat avec les diverses revues « critiques » (Hermaphrodite, Artension, Cassandre, Vacarme, Revue d'Etudes Palestieniennes... etc) sur leur rôle dans le débat artistique, intellectuel, culturel, politique.
<o:p> </o:p>Dans les vitrines, outre les dessins et œuvres que J.Zapata et G. de Staal, seront présentées, les œuvres de Joelle Aubron réalisées durant ses années de prison, les collages de Santa, ainsi qu'une exposition sur la Rencontre Internationale d'Anthropophagie (EIA !) de Sao Paulo en 2005. Nous offrons aux invités et intervenants, mais aussi aux revues, éditeurs et collectifs intéressés d'y exposer leur travail et leur matériel.
Nous espérons que la chanteuse Beatriz Azevedo, commissaire de l'EIA ! de Sao Paulo, dépêchée par le Ministère brésilien de la culture, pourra assurer la présence physique et artistique, dans cette manifestation, du mouvement anthropophage brésilien, et porter à l'ouverture de l'exposition les objets, documents, vidéos... rassemblés lors des Rencontres Internationales de Sao Paulo.
<o:p> </o:p>Le but n'est donc pas du tout une exhibition de « performances », mais l'idée de mettre en acte une discussion des possibilités de mouvement artistique. Et il ne s'agit pas pour les participants de venir juste pour «faire leur tour », mais de participer, en amenant aussi leur public, afin de les mêler.Gilles de Staal
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Par staal le 7 Octobre 2006 à 20:05L'endroit est un lieu somptueux du XVIème - XVIIème siècle, la tour de Nesle, et en même temps très spacieux qui se prête à une grande souplesse d'utilisation.
Nous sommes peintres, nous exposons donc notre travail. Les tableaux de Jaime Zapata seront projetés dans trois secteurs de la Galerie (car son fond est actuellement en Equateur pour la rétrospective de ses 30 ans de peinture), et il présentera des dessins sur de grands panneaux de carton. Il interviendra dans l'exposition avec son travail de « cuerpos pintados » (www.cuerpospintados.com et cliquer sur le livre de Jaime Zapata). Gilles de Staal exposera quant à lui 32 toiles, principalement de son travail récent depuis ses expositions de 1998. De plus, dans les vitrines seront exposés des dessins, études, planches, de Gilles de Staal et Jaime Zapata.
<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p> L'idée est que, durant de ces deux fois quatre (ou 5) jours, se tiennent au milieu de l'expo, des lectures de théâtre, de poésie, des interventions de musiciens, ET QU'AU MEME TITRE, à l'intérieur de cette manifestation d'art se déroulent des interventions-débats sur des thématiques qui sont à «l'ordre du jour » des mouvements culturels politiques et sociaux. Sans non plus saturer le temps de l'expo, ni en faire une espèce de foire de « spectacles ». Les lectures (théâtre, poésie) et les interventions de musiciens seront donc de l'ordre de 30 à 60 minutes maxi. Il y aura aussi peut être une où deux projections de films durant ces journées (« O Parto » (30mn), de Oficina, sur la révolution portugaise, si on arrive à faire insérer le sous titrage français d'ici là, et le film d'entretien avec Joelle Aubron, 30mn, réalisé par ses amis peu avant sa mort).
<o:p> </o:p> Il y aura aussi le manger, anthropophagie oblige ! Mais surtout pas sous forme de buffet autour duquel les gens continuent la conversation du bureau en s'empiffrant de petits fours au saucisson ! La nourriture sera un acte, avec son temps qui est celui de la communion, non au sens éthéré vaguement chrétien, mais au sens charnel anthropophage.Gilles de Staal
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Par staal le 7 Octobre 2006 à 19:24IL s'agit d'organiser une expo de peinture, mais pas dans le but d'accrocher des tableaux pour attendre qu'un amateur éclairé et propriétaire de quelques puits de pétrole arrive en disant : « Fantastico, yo compro todo ! » Le but est, modestement, de faire descendre la peinture des galaxies extraterrestres où elle se trouve actuellement (marché, art content-pour-rien, thématiques conceptuelles absconses, mépris du « public profane », etc etc), pour la confronter aux réalités non seulement des autres formes d'expressions artistiques, mais aussi des préoccupations et des questionnements (artistiques, culturels, sociaux, politiques...) qui traversent le public, c'est-à-dire les mouvements de la société. En bref commencer à secouer un peu le cocotier de l'engagement artistique dans la peinture (et pas seulement).
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Gilles de Staal
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